Avec Nuits dans les jardins d’Espagne (1915), nous nous aventurons plus loin en terre espagnole. De Falla met une exubérante richesse orchestrale au service de ce qu’il nomme « impressions musicales ».
Mais nous voici au point focal de notre saison, dont le sextuor à cordes de Schönberg a inspiré́ le thème. Partant d’un poème de Richard Dehmel, le compositeur nous donne rendez-vous dans la nuit froide d’une forêt chauve, où nous sommes témoins d’une scène entre deux amants : une femme avoue à un homme qu’elle attend un enfant qui n’est pas de lui, et tous deux flirtent avec le mystère de l’existence. Quelques années et deux quatuors à cordes plus tard, Schönberg fera basculer le 20e siècle dans l’atonalité́. Transfiguration de la nuit en jour, transfiguration du mode mineur par le mode majeur, transfiguration de la poésie par la musique pure, La Nuit transfigurée reste pour l’heure sur les rives du romantisme. Mais la beauté́ toxique qui s’y donne à entendre annonce déjà̀ la dissolution prochaine de la tonalité́ et la promesse de contrées inconnues.
« Me noyer, sombrer, perdre conscience... » : même sentiment de dissolution, même sentiment d’abandon dans l’acte final de Tristan et Isolde (1865). Au fond, d’aucuns ne pressentent-ils pas – dans le célèbre « accord de Tristan » qui débute l’opéra de Wagner – cet adieu à la tonalité́ ? Les affres du réel s’estompent tandis qu’Isolde meurt d’amour et rejoint l’immense souffle du monde. Et la musique devient pareille au corps transfiguré de l’amante dans l’installation du plasticien Bill Viola : une pluie d’un millier de gouttes qui s’élèvent pour regagner le ciel.
Orchestre de l’Opéra national de Lorraine
Bas Wiegers
Nathanaël Gouin
Arnold Schönberg La Nuit transfigurée, opus 4
Richard Wagner Tristan et Isolde, prélude et mort d’Isolde (version pour orchestre de chambre)
Manuel de Falla Nuits dans les jardins d’Espagne (version pour orchestre de chambre)
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